Des Frères chez les Mayas

 

De multiples aventures

Dominicains et Franciscains en pays maya - XVIème siècle

Un voyage de Las Casas au Tabasco et au Chiapas

Pedro de Barrientos à Chiapa de Corzo

Las Casas contre les conquistadors

Fuensalida et Orbita, explorateurs

Le regroupement des indiens

 

De nombreuses études

Un frere ethnologue, Diego de Landa

La connaissance des langues mayas

Deux enseignants, Juan de Herrera, Juan de Coronel

Deux freres historiens, Cogolludo et Remesal

 

Une multitude de constructions

Un Franciscain architecte, Fray Juan de Mérida

Le couvent de Valladolid au Yucatan

Le couvent d'Izamal et ses miracles

Au Yucatan, une église dans chaque village

Un Dominicain infirmier, Matias de Paz

 

Une difficile entreprise d'évangélisation

La pacification de la Verapaz

La fondation du monastère de San Cristóbal

La province dominicaine de Saint Vincent

Une évangélisation autoritaire

Les Franciscains et la religion maya

Un échec des franciscains à Sacalum, Yucatan

Domingo de Vico, martyr dominicain

 

La fin de l'aventure

Le retour dans les monastères

 

Compléments

Las Casas et la liberté des indiens

L'Histoire Ecclésiastique Indienne de Mendieta

La route de l'évangélisation dominicaine au Guatemala

Le couvent de Ticul, vu par John Lloyd Stephens

Les Franciscains dans la vallée du Colca, au Pérou

La route des couvents du Yucatan au XVIème siècle

La mission dominicaine de Copanaguastla, Chiapas

 

A votre disposition, sur demande :

- des renseignements concernant les pays mayas,

- des textes numérisés sur la conquête et la colonisation des pays mayas

 

Correspondance :

moines.mayas@free.fr

 

 

 

 

L'HISTOIRE

 ECCLÉSIASTIQUE

 INDIENNE

DE FRAY GERÓNIMO DE

 MENDIETA

 

 

 

 

 

Le Greco, Saint François méditant à genoux, dans le Musée diocésain d'art sacré de Vitoria, Espagne, lieu de naissance de Mendieta

 

Fray Gerónimo de Mendieta (1525-1604)

 

Il naquit en 1525, à Vitoria, dans le pays basque. Il entra chez les franciscains de Bilbao et partit au Mexique en 1554. Il y apprit le nahuatl très rapidement. Il resta au Mexique le reste de sa vie, soit plus de soixante ans. Il fut gardien du couvent de Tlaxcala et d’autres couvents franciscains, Toluca et Xochimilco notamment. Il fut aussi pendant plusieurs années secrétaire et interprète du Commissaire général franciscain.

 

En 1574 le Père général le chargea d’écrire une histoire de l’ordre franciscain du Mexique. Utilisant ses propres connaissances et les écrits d’autres auteurs, Motolinía, Olmos, Sahagún, etc., il acheva son Histoire ecclésiastique indienne en 1596, peu avant de mourir, en 1604, âgé de soixante dix-neuf ans. Son œuvre, très documentée et exacte, se caractérise par la profondeur de son sentiment religieux. Elle n’a été publiée qu’au XIXème siècle.

 

 

FRAY GERÓNIMO DE MENDIETA,

 

HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE INDIENNE,

1596.

 

 

Livre quatrième de l’Histoire ecclésiastique indienne - De la conquête spirituelle des indiens de la Nouvelle Espagne et du progrès de leur conversion

 

Chapitre I - Des premiers religieux de l’Ordre du père Saint Dominique qui fondèrent son Ordre dans notre Nouvelle Espagne

 

Fray Domingo de Betanzos

 

[…] "Ils ont une autre province autonome au Guatemala, qui fait partie de notre Nouvelle Espagne. Elle a été fondée, comme celle de Mexico, par Fr. Domingo de Betanzos, conformément aux règles de l’Ordre, car ce fut un homme très austère, astreignant sa propre personne à une pénitence rigoureuse, exemple et modèle de toutes les vertus, et de ce fait il s’attacha à installer son Ordre en conservant les habitudes et les cérémonies saintes telles qu’elles avaient été instituées lors de sa fondation à l’époque du père Saint Dominique. Et tous les compagnons qui étaient avec lui au Guatemala l’imitèrent avec une très grande ferveur, marchant à pied et vêtus de pauvres habits, comme leurs frères les moines franciscains. Ils ne voulurent d’aucune manière recevoir des rentes et cela dura pendant trente ans. Ensuite, leurs besoins les obligèrent à se déplacer à cheval et à avoir des rentes, ces rentes étant désormais autorisées par le saint Concile de Trente. Le père Betanzos ne comprit pas bien les indiens et ne connaissait pas leur langue. Il avait prédit que les indiens allaient disparaître, ce qui en révolta plus d’un. Mon avis est que s’il fixa une date pour leur disparition, comme on l’a dit, il s’égara, car les années ont passé et les indiens sont toujours là. Et s’il n’en fixa pas, il y aura bien quelqu’un d’autre pour en faire la prophétie, connaissant la cupidité et le mépris des espagnols et le peu de défense des indiens, qui sont des sardines par rapport à ces petits cachalots ; encore plus quelqu’un ayant vu de ses yeux mourir les indiens des îles, comme ce père le vit.

 

Bartolomé de Las Casas, statue édifiée à Ciudad de Guatemala

 

Fray Bartolomé de Las Casas

 

"Et puisque nous rappelons la gloire de ceux qui la méritèrent pour avoir travaillé fidèlement et apostoliquement à l’œuvre de la conversion des indiens, il sera normal de le faire pour celui qui, parmi les autres religieux, plus qu’aucun autre travailla et fit plus encore pour leur protection et leur évangélisation. C’est l’Evêque de Chiapa D. Fr. Bartolomé de Las Casas, de l’Ordre du bienheureux Saint Dominique, qui avant même de prendre cet habit, étant clerc dans l’île Espagnole, commença avec un zèle très chrétien et miséricordieux à en appeler à la clémence divine et à dénoncer auprès des Rois Catholiques, peu avant leur mort, et de Charles Quint leur petit-fils, bienheureux Empereur, la grande destruction et la dévastation que nos espagnols commettaient sur les indiens originaires de ces régions. Ensuite, une fois prêtre et évêque, il renonça à son évêché pour devenir leur procureur, s’imposant à la cour de leurs Majestés pendant vingt deux ans, où, subissant beaucoup d’embarras, de souffrances et de contradictions, informé par certains de ses frères et surtout par les Franciscains demeurant en Nouvelle Espagne des brimades et des dommages que subissaient les indiens récemment convertis, il contribua par sa grande diligence à en protéger un grand nombre, et surtout à ce qu’on libère ceux qui avaient été réduits en esclavage, et à interdire à l’avenir l’esclavage des indiens. Homme très cultivé et familier des belles lettres, il rédigea de nombreux traités en latin et en espagnol, étayés par des arguments logiques et de droit divin et humain, au sujet de la liberté des indiens et des bons traitements qu’ils méritaient, et des obligations des Rois de Castille pour leur défense et leur protection. Je suis convaincu, sans le moindre doute, qu’il jouit au ciel d’une gloire très particulière et qu’il est couronné d’une couronne très glorieuse, en raison de sa faim et de sa soif pour la justice et du très saint zèle qu’il poursuivit avec persévérance jusqu’à sa mort, de souffrir pour l’amour de Dieu, en se consacrant aux pauvres et aux misérables privés de toute grâce et de toute aide. Il a eu des disciples qui se sont éreintés à dire ouvertement la vérité. Plût à Dieu qu’ils aient obtenus de la part de Sa Majesté ne serait-ce qu’une petite partie de tout ce que lui obtint et mérita, comme nous le croyons. […]

 

Grâce a son "Histoire des Indes", Bartolomé de Las Casas nous a fait connaître le sermon de Fray Antonio de Montesinos qui a été à l'origine de son engagement en faveur des indiens (Monument de Montesinos à Saint-Domingue, sculpteur Antonio Castellanos, 1982)

 

"Je suis la voix de Celui qui crie dans le désert de cette île [...] Dites-moi, quel droit et quelle justice vous autorisent à maintenir les Indiens dans une aussi affreuse servitude ? Au nom de quelle autorité avez-vous engagé de si détestables guerres contre ces peuples qui vivaient dans leurs terres d'une manière douce et pacifique, où un nombre considérable d'entre eux ont été détruits par vous et sont morts d'une manière encore jamais vue tant elle est atroce ? Comment les maintenez-vous opprimés et accablés, sans leur donner à manger, sans les soigner dans les maladies qui leur viennent des travaux excessifs dont vous les accablez et dont ils meurent ? Pour parler plus exactement, vous les tuez pour obtenir chaque jour un peu plus d'or." Fray Antonio de Montesinos, 1511

 

Chapitre VI - De la fondation de la province (franciscaine) du Yucatan et des saints hommes apostoliques qui l’honorèrent

 

La province du Yucatan

 

"Le Yucatan, que certains nomment Campeche, du nom d’un de ses villages et port, et d’autres Champoton, est une province qui dans l’ensemble paraît une île, comme l’Espagne, car elle est entourée par la mer sur trois côtés, mais à la différence de l’Espagne, la mer l’entoure par l’est, l’ouest et le nord et c’est seulement par sa partie sud qu’elle se rattache au continent. Et de ce fait ses limites s’étendent plus loin dans cette direction nord-sud que de l’est à l’ouest où elle n’a pas plus de cent lieues. Le Yucatan serait à plus ou moins trois cents lieues à l’est de Mexico, un peu incliné vers le sud, si bien que les nefs qui vont d’Espagne au port de Veracruz le laissent à main gauche. C’est une région très chaude, mais saine grâce à la sécheresse, qui n’a ni rivières ni lagunes en surface : toute l’eau dont on se sert provient des puits et de rivières qui courent sous terre. Les hommes meurent de pure vieillesse parce qu’il n’y a pas de maladies comme dans les autres régions et s’il y a de mauvais miasmes, la chaleur les consume ; et ainsi on dit qu’il n’est pas besoin de médecins là-bas.

 

Campeche, 16 octobre 2016, procession devant le couvent franciscain

 

Fray Jacobo de Testera

 

"A propos de la fondation spirituelle de cette province et de l’introduction du Saint Evangile à cet endroit, il faut savoir que le premier qui vint là-bas pour apporter la nouvelle de notre foi et la prêcher aux indiens, ce fut le père Fr. Jacobo de Testera, en trente quatre, avec quatre autres religieux, alors qu’il était custode de Mexico et avant qu’on en fasse une province franciscaine, car ce père (homme d’esprit élevé et plein de zèle très fervent pour le salut des âmes) ne se contenta pas de répandre la prédication et l’enseignement parmi les âmes qu’il avait à sa charge dans le royaume de Mexico et ses environs, mais il voulait convertir et faire connaître son Créateur non seulement à tous les indiens mais encore à tous les habitants du monde. Et dans ce but il ne laissa, dans tout ce qui avait été découvert là-bas jusqu’alors, pas un pouce de terre où il ne fut allé. Et ainsi il alla au Michoacan et au Guatemala (comme me l’affirme un indien encore vivant, son serviteur, qu’il emmena avec lui en Espagne quand il alla au Chapitre Général de Mantoue), ce que je n’ai pas pu vérifier par ailleurs. Il alla aussi (je viens de le dire) au Yucatan, où il trouva un très bon accueil de la part des indiens et une grande disposition et ouverture pour y imprimer la parole de Dieu, qu’il remercia beaucoup pour les signes qu’il donnait ainsi de vouloir assurer le salut de ses créatures. Il commença à réunir et à enseigner les fils des notables, comme on l’avait fait à Mexico, et à partir de là lui et ses compagnons faisaient avancer la cause de l’église et travaillaient à écarter les indigènes du pays de la dévotion aux idoles, si bien que beaucoup de gens les rejoignaient.

 

 

 

Champotón, le fleuve et la ville

 

Les soldats espagnols, voyant que les frères avaient déjà apprivoisé les indiens et les avaient rassemblés à l’école, commencèrent à les débaucher et à les mettre à leur service, et à les déranger à tel point qu’ils empêchaient totalement l’évangélisation ; il était déjà très difficile de les rassembler et les soldats ne laissaient pas ceux qui se présentaient apprendre ce que les frères leur enseignaient. Le frère Jacobo s’opposait donc aux soldats pour cela et pour les autres énormités et excès qu’ils commettaient, si bien qu’ils commencèrent à avoir entre eux des querelles et des dissensions. Et ils firent de telles difficultés au bienheureux père et un tel traitement qu’il fut obligé de les quitter et de retourner à Mexico, en emmenant ses compagnons, voyant qu’avec tant d’obstacles et sans appui, on ne pouvait pas recueillir de fruits dans ces âmes, qui restèrent dès lors sans évangélisation. On dit que l’insolence de ces mauvais chrétiens alla si loin et qu’ils oublièrent tellement la crainte de Dieu et l’honneur des hommes, qu’ils apportaient là-bas des idoles achetées ou prises dans d’autres régions et qu’ils les vendaient aux indiens de Champoton ; ils leur disaient de ne pas croire ce que leur prêchaient les frères à seule fin de les écarter de la religion pour les employer à tout ce qu’ils voudraient bien leur commander. Que peut-on dire de pire concernant des hommes baptisés et fils de vieux chrétiens ? Et jusqu’où n’ira pas la maudite cupidité, qui entraîne l’homme chrétien à un tel blasphème ? L’Apôtre avait raison, qui appela la cupidité ou l’avarice esclavage des idoles, car elles portent le chrétien à adorer les idoles, en reniant son vrai Dieu.

 

Les églises de Campeche, tableau dans le restaurant "La Parroquia", à Campeche, Yucatan

 

Cinq autres religieux

 

"Les seconds religieux qui vinrent au Yucatan furent envoyés par le père Fr. Antonio de Ciudad Rodrigo, provincial de notre province du Saint Evangile, à la recherche de nouvelles populations afin de leur prêcher la loi de Dieu et le royaume des cieux, comme le rapporte le père Fr. Toribio Motolinea, son compagnon (tous deux faisaient partie des douze). Le père Fr. Toribio dit ainsi qu’en trente sept son ami Ciudad Rodrigo envoya cinq frères le long de la côte de la mer du nord ; ils prêchèrent et enseignèrent les indigènes des villages de Guazacualco et de Tabasco, où il y avait un peuplement d’espagnols nommé Santa María de la Victoria, et parvinrent à Xicalango. Et en continuant à suivre la côte, ils arrivèrent à Champoton et à Campeche, des villages de la région que les espagnols appellent Yucatan. Ils mirent deux ans à faire ce trajet et à visiter les indiens, leur trouvant des dispositions et des capacités pour accueillir notre foi et nos croyances, car ils écoutaient volontiers et apprenaient la doctrine chrétienne (comme si l’absence du père Fr. Jacobo leur avait laissé l’eau à la bouche). Ces frères remarquèrent deux choses chez ces indiens : l’une qu’ils disaient toujours la vérité, l’autre qu’ils ne prenaient pas le bien d’autrui, même s’il était abandonné pendant plusieurs jours dans la rue. C’est ce qu’affirme le père Fr. Toribio. Et ces cinq religieux retournèrent à Mexico, semble-t-il, parce qu’ils n’avaient pas la consigne de rester là-bas, mais de revenir informer leur prélat.

 

Antonio de Ciudad Rodrigo, Convento Santa María Magdalena, Texmelican, Puebla

 

"Nous avons déjà parlé, sans plus de précisions, de la très grande pauvreté et des pénitences grâce auxquelles ces bienheureux qui nous précédèrent parvinrent à installer dans le cœur des indiens la doctrine du Saint Evangile qu’ils leur prêchaient. […] Le père Ciudad Rodrigo, lorsqu’il était gardien du couvent de Mexico, refusa d’accepter une cruche de vin que le saint archevêque Zumárraga lui envoyait, à l’occasion d’une fête, en cadeau pour les frères. Il l’en remercia et en même temps lui dit : puisqu’il aimait autant ses frères, il le suppliait de ne pas les inciter au relâchement ni de leur donner de mauvaises habitudes."

 

(Fray Jerónimo de Mendieta, Historia eclesiástica indiana, Libro III, Capítulo XXXI, De particulares ejemplos de abstinencia y pobreza de aquellos apostólicos varones para nuestra imitacion)

 

Fray Luis de Villalpando et ses compagnons

 

"Les troisièmes qui vinrent au Yucatan et commencèrent à s’installer là, ce furent quatre religieux que le même Fr. Toribio (que l’on vient de mentionner) envoya en quarante deux depuis le Guatemala. En effet, le père Fr. Jacobo de Testera, qui revenait tout juste du Chapitre Général de Mantoue en qualité de commissaire général, envoya Fr. Toribio lui-même au Guatemala avec douze frères qu’il avait dans ce but extraits de la province de Saint Jacques (celle de Salamanque), parmi lesquels ce Fr. Toribio qui, arrivé à Guatemala et après avoir organisé sur place ce qui convenait, envoya depuis là les quatre frères dont je parlais au Yucatan ; de saints hommes fort capables de réaliser ce que l’on voulait faire. Voici leurs noms : Fr. Luis de Villalpando, religieux confirmé et très cultivé, le premier à savoir la langue du Yucatan et qui en fit la grammaire et un vocabulaire ; Fr. Lorenzo de Bienvenida, qui séjourna très longtemps dans le pays et travailla sur ce chantier jusqu’à en faire une province, comme on le dira plus loin ; Fr. Melchior de Benavente, saint religieux qui, parce que la chaleur de cette région mettait en danger sa santé et son équilibre, dut revenir bientôt à Mexico, où il persévéra dans la sainteté, comme on pourra le voir par le récit de sa vie, dans le livre cinquième de cette Histoire ; Fr. Juan de Herrera, frère lai, qui dirigea une école sur place pendant de nombreuses années et forma de nombreux et très habiles disciples lecteurs, écrivains et chanteurs, et vint ensuite dans notre province de Mexico, d’où il passa à la custodie de Zacatecas, heureusement porté par l’Esprit Saint dans ces déplacements, jusqu’à obtenir le martyre à la fin, car les Chichimèques le tuèrent là-bas, comme ils l’ont fait à beaucoup d’autres frères, on le verra plus avant. Avec ces religieux, la prédication et l’enseignement de notre sainte foi eut son assise au Yucatan. Après eux, d’autres vinrent pour les aider et apprendre la langue maya, qu’enseignait Fr. Luis de Villalpando ; pour cela il est digne de mémoire et aussi parce qu’il fut le premier à la savoir et à prêcher dans cette langue, donnant l’exemple d’un vrai religieux.

 

Monument de Fray Toribio de Benavente "Motolinía", à Benavente, Espagne, oeuvre du sculpteur mexicain Carlos H. Terrés, 1988. Les douze voiles font référence aux douze premiers franciscains venus au Mexique en 1524 ; la tortue et le serpent sont des symboles précolombiens

 

Fray Lorenzo de Bienvenida

 

"Fr. Lorenzo de Bienvenida l’est aussi, digne de mémoire, pour tout son travail et les multiples voyages qu’il fit jusqu’à ce que le Yucatan prenne forme de province et en obtienne le titre. Car (voici le récit de ses pérégrinations) alors que la province n’avait que deux monastères, un à Mérida, où vivaient les espagnols, et l’autre à Campeche, il alla à Mexico vers mille cinq cent cinquante et obtint du père Fr. Francisco de Bustamante (qui était à ce moment commissaire général de toutes les Indes occidentales) que ces deux établissements, très isolés, deviennent une custodie de plein exercice, dépendant de notre province de Mexico. Plus tard, quand d’autres couvents furent créés, il se présenta au Chapitre Général d’Aquila en Italie, qui se réunit en mille cinq cent cinquante neuf, et y obtint que l’on fît une province de la custodie du Yucatan et de celle du Guatemala, étant entendu que les Chapitres seraient organisés à tour de rôle et que les provinciaux seraient de même élus une fois par l’une et la fois suivante par l’autre : lorsque le provincial serait élu par le Yucatan, le gardien du Guatemala serait vicaire général de toute la région (les deux secteurs étant éloignées l’un de l’autre) ; quand le provincial appartiendrait au Guatemala, le gardien de Mérida deviendrait son vicaire pour le compte du Yucatan. Mais (à l’initiative de Fr. Lorenzo) cette association ne dura pas longtemps car il participa aussi au Chapitre Général de Valladolid et y négocia que chacune des régions du Yucatan et du Guatemala devint une province autonome, et celle du Yucatan prit le nom de Saint Joseph. Cette province a maintenant vingt deux couvents et dans tout l’évêché il n’y a pas d’autres religieux que ceux de Saint François, et sur les cinq évêques qu’elle a eu jusqu’aujourd’hui, quatre ont été des frères franciscains.

 

 

Fray Francisco de la Torre

 

"Fr. Francisco de la Torre, de la province de Saint Jacques, fut parmi ceux qui travaillèrent le plus avec les indiens, par l’exemple et par la prédication, car c’était un très bon interprète en langue maya, et même s’il fut plusieurs fois custode et provincial, il se montra toujours très humble avec tout le monde, si bien qu’il fut toujours très aimé et respecté de tous, espagnols comme indiens. On dit qu’il avait un don de prophétie et que peu avant sa mort on le vit en prière flottant au dessus du sol. Ce que je sais, c’est que je l’ai connu comme un fidèle serviteur de Dieu et doté d’une patience remarquable, souffrant d’une terrible maladie d’asthme, à cause de laquelle il vint chercher remède à Mexico et ne le trouvant pas il revint au Yucatan et en mourut.

 

 

Fray Diego de Landa

 

"Fr. Diego de Landa, de la province de Tolède, fut aussi un fin connaisseur de la langue maya et un grand travailleur dans cette région pendant de nombreuses années. Il rencontra de fortes oppositions et des persécutions de la part des espagnols, parce qu’il leur reprochait durement les tyrannies qu’ils exerçaient sur les indiens, et aussi de la part des indiens eux-mêmes, parce qu’il avait découvert que certains d’entre eux poursuivaient leurs rites d’idolâtrie après s’être faits chrétiens et qu’il les avait fait châtier avec quelque rigueur, et l’on dit qu’ils essayèrent de le tuer par sorcellerie et enchantement mais le Seigneur le protégea toujours et il glissa entre leurs mains. Une année, alors qu'il était gardien, il y eut une grande famine dans le pays, dont moururent beaucoup d’espagnols et d’indiens ; il manquait encore six mois pour attendre la récolte et il avait à peine un mois de nourriture pour son couvent, mais il ordonna qu’on ne refuse de donner du pain à quiconque viendrait en demander à la porterie. Et bien qu’il en ait distribué abondamment à tous, lorsque la famine s’arrêta on trouva la même quantité de maïs dans le couvent qu’il y en avait quand il donna cet ordre. Il dut retourner en Espagne car on lui imputait et lui reprochait la rigueur du châtiment des indiens et même l’évêque, qui était un frère de son ordre, était parmi ceux qui l’accusaient le plus. Pourtant, après examen de l’affaire par le Conseil Royal des Indes, compte tenu de ses mérites et de sa vie irréprochable, un fois mort son adversaire l’évêque, il fut promu évêque de notre église du Yucatan. On dit que quand il prêchait, on voyait parfois une couronne sur sa tête et une étoile au dessus. Il revint comme évêque en mille cinq cent soixante treize et mourut en soixante dix-neuf. A sa mort, ceux qui avaient été ses ennemis reconnurent sa sainteté et son élection par Dieu ; telle est la force de la vérité que même si elle est un temps voilée par la perversité des hommes elle se manifeste à la fin. Notre province du Yucatan est bien assise, tant en ce qui concerne la dévotion des frères que l’enseignement et la prédication des indiens. C’est dû au fait que les indiens parlent tous une même langue, que les ministres proviennent tous d’un même ordre ; et surtout que les espagnols ne vivent pas dans les villages des indiens.

 

Un portrait de Diego de Landa dans l'hôtel "La Misión de Fray Diego" à Mérida, Yucatán

 

Chapitre VII - De la fondation de la province [franciscaine] du Guatemala, et des saints hommes qui lui firent honneur

 

 

L'évêque Marroquín fait venir les Franciscains

 

"La province du Guatemala se trouve à deux cent cinquante lieues de Mexico, vers le sud-est. C’est une grande région peu connue et peu peuplée bien qu'elle soit par elle-même très tempérée, fertile et  abondante en nourriture. En trente neuf, semble-t-il, six religieux partirent de la province de Saint Jacques, appelés par le premier évêque du Guatemala D. Francisco Marroquín, qui les amena à ses frais dans notre Nouvelle Espagne et province de Mexico : ce furent Fr. Alonso de Casaseca (que le Rmo. Gonzaga appelle Eras), leur chef, Fr. Diego Ordóñez, Fr. Gonzalo Méndez, Fr. Francisco de Bustillo, Fr. Diego de Alva, prêtre, et Fr. Francisco de Valderas, frère lai. Le prélat Fr. Alonso de Casaseca tomba malade en partant de Mexico pour le Guatemala et mourut à Tepeaca, où il est enterré. Les cinq autres arrivèrent dans la ville de Guatemala et furent accueillis avec beaucoup de joie, de charité et d’honneurs, tant par les espagnols que par les indiens, qui avaient déjà entendu parler des frères franciscains et désiraient ardemment profiter de leur enseignement. Et peu après, grâce à des aumônes que leur firent quelques particuliers on acheta un terrain et un emplacement où édifier le monastère. Leur première préoccupation fut d’apprendre la langue des indiens.

 

 

Fray Francisco de Valderas

 

"Mais comme ils étaient peu nombreux face à tant de gens, avec l’accord de l’évêque lui-même et de l’Audience Royale, ils envoyèrent le frère lai Fr. Francisco de Valderas, homme de toute confiance et très actif, chercher d’autres frères en Espagne. De fait, il parvint très vite en Espagne et négocia pour qu’on lui donne douze frères de la même province de Saint Jacques ; on les lui accorda, tous très religieux et savants, et il les conduisit par le même chemin que lui et ses compagnons avaient suivi auparavant, débarquant dans le port de San Juan de Ulúa, dans la province de Mexico. Mais comme il les fit partir aussitôt pour le Guatemala, que le chemin y conduisant est long et difficile et qu’ils arrivaient épuisés par la traversée, la plupart d’entre eux moururent et l’aide apportée par le frère lai fut ainsi de peu d’utilité.

 

Une procession de la Semaine Sainte devant l'église de Saint François à Antigua (avril 2023)

 

Des débuts difficiles

 

"Mais Dieu fit qu’ils trouvent de l’aide par ailleurs, car au même moment, le père Fr. Jacobo de Testera revint du Chapitre Général de Mantoue en qualité de Commissaire Général des Indes, accompagné de cent cinquante frères ; il envoya au Guatemala le père Fr. Toribio Motolinea avec douze d’entre eux, tous de la même province de Saint Jacques, comme on l’a déjà dit. Parmi eux se trouvait un certain Fr. Pedro de Betanzos qui, dans ces débuts, sut mieux que les autres la langue des indiens (qui est très étrange et difficile à prononcer), et en rédigea la grammaire et le vocabulaire, et ensuite un certain Fr. Francisco de la Parra l’améliora, ajoutant quatre ou cinq lettres, ou pour mieux dire, caractères, afin de mieux prononcer cette langue, parce que notre a, b, c ne suffisait pas. Quand le père Fr. Toribio repartit pour notre province de Mexico, cette implantation commença à dépérir et fut sur le point de s’effondrer, car le nouveau Commissaire Général, le père Fr. Francisco de Bustamante, informé de ce que ces religieux ne s’entendaient pas entre eux, les fit appeler pour qu’ils viennent tous à Mexico. Mais le bon Evêque D. Francisco Marroquín (très dévoué à notre Ordre) ne l’accepta pas, les retint au contraire et écrivit au commissaire. Lequel dût venir ensuite en personne, en cinquante ou cinquante et un, en accompagnant le très illustre D. Antonio de Mendoza, son ami très intime et dévoué, qui allait prendre son poste de vice-roi au Pérou. Il réunit alors un chapitre et leur donna le titre de custodie du Nom de Jésus, alors que jusqu'à ce jour ils étaient dirigés seulement par un commissaire qu’ils choisissaient entre eux ou que désignait le prélat supérieur. Par la suite, lors du Chapitre Général d’Aquila, en cinquante neuf, grâce à la négociation de Fr. Lorenzo de Bienvenida (ainsi qu’il a été dit), on fit une province de cette custodie et de celle du Yucatan, et finalement lors du Chapitre Général de Valladolid, en soixante cinq, chacune des deux custodies devint une province.

 

 

La Province franciscaine du Guatemala

 

"La province du Guatemala dispose à présent de vingt deux monastères de notre Ordre mais beaucoup d’entre eux sont très pauvres et ont peu de religieux. Les pères Dominicains ont quatorze couvents, sans compter les villages de visite, avec des constructions plus belles que celles de nos monastères et en plus ils ont de bons couvents au Chiapas et dans la Verapaz, qui sont une autre province. Les pères de la Merci ont six établissements. Les pères clercs en ont vingt deux, tous en terre chaude, riche grâce au cacao qui y est cultivé, un fruit semblable à une amande qui une fois séché s’expédie dans toute la Nouvelle Espagne ; il sert de monnaie pour acheter des bagatelles et, réduit en poudre, pour préparer des boissons utilisées quotidiennement. La principale ville et chef-lieu où se trouve la cathédrale et où réside l’Audience Royale (dite des Confins) se nomme aussi Guatemala, comme l’ensemble de la province ; mais les espagnols, quand ils commencèrent à la peupler, l’appelèrent Saint Jacques, prenant ce bienheureux apôtre pour patron."

 

Antigua Guatemala, le couvent de Saint François à la fin du XVIIème siècle

 

 

 

 

 

 

2024 "Des Frères chez les Mayas"

 

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Manuscrit ornementé de l'Histoire Ecclésiastique Indienne (1596), page de titre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La statue de Fray Domingo de Betanzos à Tepetlaoxtoc

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Manuscrit de l'Histoire Ecclésiastique Indienne, frontispice du livre quatrième

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Manuscrit de l'Histoire Ecclésiastique Indienne, illustration : un franciscain prêchant les indiens (reprise dans fray Diego Valadés Rhetorica Christiana, 1579)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Campeche, Plan du Couvent de Saint-François

 

 

"Sachons-le, en 1545, les seigneurs étrangers s’établirent à Zaci, et cette année-là, aussi, le christianisme commença, avec les pères de l’ordre de Saint-François, à l’entrée de la mer de Champotón. C’est là que vinrent d’abord ces pères qui tenaient entre leurs mains Jésus-Christ notre rédempteur, et ils le montraient aux hommes esclaves, lorsqu’ils arrivèrent à l’entrée de la mer de Champotón, à l’ouest de cette province du nom d’Ichcanzihoo.

 

"Sachons-le, le nom de ces pères qui amenèrent le christianisme ici, sur cette terre, leur nom fut, sachons-le : Fray Juan de la Puerta et Fray Luis de Villalpando et Fray Diego de Becal et Fray Juan de Guerrero et Fray Melchor de Benavente. Ils ont commencé le christianisme ici, à l’ouest de la région, alors que le christianisme ne venait point encore jusqu’ici, chez les Cupules. Nous étions en retard pour la venue du christianisme, et c’est ainsi qu’il commença, parmi nous, chez les Cupules."

 

(Chronique de Chac Xulub Chen, écrite par Ah Nakuk Pech, 1562)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publication de 1963 pour le "4ème centenaire du décès de l'illustre Don Francisco Marroquín, premier évêque du Guatemala"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Antonio de Mendoza, vice-roi de la Nouvelle Espagne puis du Pérou. Peinture du XVIIIème siècle au Musée National d'Anthropologie et d'Histoire, Lima Pueblo Libre.