De multiples aventures Dominicains et Franciscains en pays maya - XVIème siècle Un voyage de Las Casas au Tabasco et au Chiapas Pedro de Barrientos à Chiapa de Corzo Las Casas contre les conquistadors Fuensalida et Orbita, explorateurs
De nombreuses études Un frere ethnologue, Diego de Landa La connaissance des langues mayas Deux enseignants, Juan de Herrera, Juan de Coronel Deux freres historiens, Cogolludo et Remesal
Une multitude de constructions Un Franciscain architecte, Fray Juan de Mérida Le couvent de Valladolid au Yucatan Le couvent d'Izamal et ses miracles Au Yucatan, une église dans chaque village Un Dominicain infirmier, Matias de Paz
Une difficile entreprise d'évangélisation La fondation du monastère de San Cristóbal La province dominicaine de Saint Vincent Une évangélisation autoritaire Les Franciscains et la religion maya Un échec des franciscains à Sacalum, Yucatan Domingo de Vico, martyr dominicain
La fin de l'aventure
Compléments Las Casas et la liberté des indiens L'Histoire Ecclésiastique Indienne de Mendieta La route de l'évangélisation dominicaine au Guatemala Le couvent de Ticul, vu par John Lloyd Stephens Les Franciscains dans la vallée du Colca, au Pérou La route des couvents du Yucatan au XVIème siècle La mission dominicaine de Copanaguastla, Chiapas
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L'église de Cubulco, Baja Verapaz, pendant la fête patronale, aout 2024
Au Guatemala, on peut parcourir aujourd'hui la "route de l'évangélisation dominicaine", comprenant 27 églises ou couvents. En 2001, le Guatemala a présenté la candidature de cette route en vue de son inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO :
Le couvent et l'église de Santo Domingo dans la Nueva Guatemala de la Asunción (aujourd'hui Ciudad de Guatemala), construits au XVIIIème siècle (mars 2023).
Le couvent de Saint Dominique abrite la statue de la Vierge du Rosaire, patronne du Guatemala. La dévotion à cette Vierge remonte à la bataille navale de Lépante (1571) qui aurait été gagnée contre les Ottomans grâce à sa protection. La statue a été commandée en 1592, par Fray Lope de Montoya, à un sculpteur inconnu et installée dans le couvent dominicain d’Antigua Guatemala. La tradition populaire dit que la Vierge voyageait au Guatemala quand son Fils s’endormit, montrant ainsi qu’il voulait y demeurer. En 1776, les Dominicains la transportèrent dans la Nouvelle Guatemala, capitale actuelle du pays, et la placèrent dans l’église de Saint Dominique à son achèvement, en 1808. Elle fut déclarée Patronne du pays en 1821, à l’indépendance du Guatemala.
La route de l'évangélisation dominicaine, c'est une histoire de plusieurs siècles
En 1529, Fray Domingo de Betanzos et le Père Mayorga, invités par Pedro de Alvarado, quittent Mexico et se rendent à Santiago de los Caballeros de Guatemala (Antigua Guatemala), ville espagnole qui vient d'être créée. Ils y fondent le premier couvent dominicain du Guatemala (convento de Santo Domingo). Pour diverses raisons les Dominicains en partirent assez vite, mais revinrent en 1535 ; Fr. Bartolomé de Las Casas et Fray Pedro de Angulo s'établissent à ce moment dans la ville de Guatemala et résident dans ce couvent.
En 1811, la Province de San José de Chiapas fait sécession, avec tous les couvents de l'Etat du Chiapas. Le Guatemala et le Salvador continuent à porter le nom de Province de San Vicente, jusqu'à l'année 1872, où les ordres religieux sont interdits. La Province disparaît alors.
Couvents et missions (doctrinas) de la province de Saint Vincent de Chiapas et Guatemala, dans la seconde moitié du XVIIIème siècle (Tiré de Christophe Belaubre, Poder y redes sociales en Centroamérica, el caso de la orden de los Dominicos)
Les débuts de la route de l'évangélisation dominicaine
Fray Domingo de Betanzos fonde le premier couvent dominicain du Guatemala
« … A cette époque (1529) l’adelantado du Guatemala Don Pedro de Alvarado se trouvait à Mexico et allait prendre son poste de capitaine général et de gouverneur de la région. Les hommes qui allaient habiter la ville de Santiago (Antigua Guatemala) et lui-même demandèrent au V. P. Fr. Domingo de Betanzos de venir avec eux et d’y fonder un couvent de son Ordre, seul ornement qui manquait à leur ville pour devenir la deuxième du pays, après Mexico. Le père fondateur, quoiqu’il ne portât pas attention à ces considérations mondaines, s’offrit aussitôt au voyage, souhaitant vivement servir son Ordre en lui apportant la fondation d’un nouveau couvent, et souhaitant encore plus servir Dieu en amenant dans ce pays de bons ministres du Saint Evangile. Mais comme le bon religieux devait voyager à pied et avec un seul compagnon, il ne voulut pas aller avec les cavaliers. Il obtint l’accord du vicaire général malgré l’opposition des autres autorités religieuses qui ne voulaient pas que Mexico fût privé d’un tel sujet ; le vénérable vieillard obtint même, par ses larmes dévotes et grâce à l’appui du prélat, d’aller avec trois de ses fils spirituels pour fonder cette province religieuse. Il partit de Mexico très heureux, avec pourtant trois cents lieues à parcourir, la plupart sur un chemin très mauvais, fait pour partie de montées très fatigantes et de terrain rocailleux, pour partie de régions inhabitées, désolées et solitaires, et encore plus pénible à faire à pied. Malgré tout, il s’engagea dans ce parcours et en vint à bout avec une grande allégresse, convaincu de contribuer un peu, mais pas autant qu’il devait, à la propagation de l’Evangile auquel il s’était voué pour gagner des âmes.
« 33. Le V. père parvint à Guatemala et fut très bien reçu dans cette ville où son enseignement fut apprécié. Il n’eut même pas besoin de demander un terrain pour fonder son couvent car Jorge de Alvarado, adjoint du gouverneur, et les conseillers et régisseurs de la ville lui en firent l’offre, lui laissant toute liberté pour choisir un emplacement, à l’intérieur ou à l’extérieur des murs, comme il le souhaitait. Et le P. Fr. Domingo retint et prit possession d’un terrain un peu éloigné des habitations, à l’est, d’une taille juste suffisante pour l’église, la maison et le jardin ; le tout ne mesurait pas plus d’un hectare si bien que tout l’édifice fut très à l’étroit. Les habitants fournirent le nouveau couvent d’ornements pour l’église et de meubles pour la maison, qu’on construisit à la hâte, avec la simplicité que le P. fondateur jugeait nécessaire afin de donner le bon exemple de pauvreté et d’humilité à ceux auxquels il enseignait. Il payait à la ville les aumônes qu’elle lui faisait, avec ses prières, sa prédication et son enseignement.
(Fray Juan Bautista Méndez, Crónica de la provincia de Santiago de México de la Orden de Predicadores (1521-1564), livre premier, chapitre 5, 1685)
Domingo de Betanzos, représenté dans le "Musée de l'ermitage de Fray Domingo de Betanzos", à Tepetlaoxtoc, Mexique central
Bartolomé de las Casas part de ce même couvent pour évangéliser la Verapaz
« 90. A la fin de cette année-là (1535), les pères F. Bartolomé de las Casas, Fr. Luis Cáncer et Fr. Pedro Angulo revinrent du Nicaragua à Guatemala habiter ce couvent qui était désert depuis longtemps. Le P. Fr. Rodrigo de Ladrada les suivit peu après, venant du Pérou. Toute la ville les accueillit avec grand plaisir. Et plus que tous, le Rvme. évêque Don Francisco Marroquín, que notre Ordre considérait comme son père et qui se conduisit comme tel. Il y avait de quoi louer Dieu en voyant l’humilité avec laquelle le V. évêque s’employait à enseigner aux religieux dominicains les déclinaisons, les conjugaisons et les bases de grammaire de la langue des indigènes de Guatemala, où il était très compétent. Eux-mêmes l’apprenaient d’un tel maître avec facilité et grande satisfaction, se faisant ensuite ses disciples pour l’enseigner à d’autres et aider ainsi leur cher pasteur.
(Fray Juan Bautista Méndez, Crónica de la provincia de Santiago de México de la Orden de Predicadores (1521-1564), livre premier, chapitre 13, 1685)
Inauguration d'un buste de Francisco Marroquín, premier évêque du Guatemala, à l'Université San Carlos, Guatemala, janvier 1975
« 124. Au début de l’année 1536, à Guatemala, le grand homme Fr. Bartolomé de las Casas s’engagea (Remesal, liv. 3, chap 15) à entrer au Tuzulutlán, terre de guerre, appelée maintenant Vera Paz, à la conquête des âmes, sans tumulte militaire, ni violence de guerre, mais au contraire avec la douceur que le Christ ordonnait à ses apôtres : comme des brebis au milieu des loups afin de changer ces loups en paisibles agneaux. Visant un but si élevé, il se confiait en la seule miséricorde de Dieu, qui alimente et fait fructifier tout ce que plantent et moissonnent ses ministres.
(Fray Juan Bautista Méndez, Crónica de la provincia de Santiago de México de la Orden de Predicadores (1521-1564), livre deuxième, chapitre 1, 1685)
L'église de Cahabon, Verapaz
Le couvent est bientôt abandonné
« 147. … Fr. Bartolomé de las Casas et Fr. Rodrigo de Ladrada retournèrent à la Vera Paz (1538) afin de poursuivre la conversion de cette province et voir s’ils pourraient entrer plus avant dans le territoire de Cobán, région montagneuse et rude dont les habitants étaient moins connus que ceux de Rabinal. … Leurs frères qui restaient à Guatemala les firent appeler car le Sr. Evêque, très attentif au bien-être de ses brebis, avait d’autres projets pour eux. … Il (l’évêque Marroquín) en vint à exposer quel était le grand besoin de ministres en Nouvelle-Espagne, pour engranger une moisson si copieuse et abondante ; et il conclut qu’il allait envoyer en chercher en Espagne pour son évêché, en s’assurant que personne puisse s’opposer à leur départ ou les expédier vers d’autres destinations. … Ils décidèrent que le P. Fr. Bartolomé irait en Espagne chercher les religieux, car il avait l’expérience de la manière de négocier avec la Cour, l’ayant déjà fait avec succès en d’autres occasions. … Ceux qui étaient dans la ville de Santiago se partagèrent ainsi : les pères Fr. Bartolomé de las Casas et Fr. Rodrigo de Ladrada se déterminèrent à aller en Espagne et les pères Fr. Luis Cáncer et Fr. Pedro de Angulo au Chapitre de Mexico. …
« 148. La maison de Saint Dominique de Guatemala fut alors désertée ; à cette époque, cela ne fut pas une nouveauté parce que la même chose était arrivée de nombreuses autres fois, quand tous les pères se dispersaient à travers la région pour prêcher et baptiser cette vaste population. Ils en laissèrent la garde à un espagnol appelé Agustín de Salablanca, qui par la suite fut le premier à recevoir l’habit de notre Ordre dans ce saint couvent. Pendant cette période où les frères s’absentèrent, il continua à veiller à l’édification de la pauvre maison, comme s’il en faisait déjà partie, travaillant beaucoup à faire des briques d’adobe, qui étaient les meilleurs matériaux de l’époque, sans pour autant protéger des fréquents tremblements de terre de la région. »
(Fray Juan Bautista Méndez, Crónica de la provincia de Santiago de México de la Orden de Predicadores (1521-1564), livre deuxième, chapitre 3, 1685)
Fray Juan Bautista Méndez: Il naquit vers l'an 1645. Il entra très jeune dans l'Ordre dominicain. En 1671 il est lecteur de philosophie dans le couvent de Santo Domingo de Mexico et est reçu docteur en théologie par la Real Universidad de Mexico. Le Chapitre provincial de 1679 le nomme Chroniqueur officiel de la Province. En 1693 il est Maître en Théologie Sacrée, titulaire de la chaire universitaire de Santo Tomás. En 1699 il était prieur de Santo Domingo de Mexico. Il meurt en 1703 ou 1704. Sa "Chronique de la province de Santiago de Mexico de l'Ordre des Prédicateurs (1521-1564)", achevée en 1685, a été publiée pour la première fois en 1993 par Editorial Porrúa, à Mexico.
Cobán : la procession des rameaux, avril 2023
Cobán en 1574 : "La ville de Saint Dominique de Cobán a 525 tributaires, selon le décompte effectué voici trois ans ; parmi eux, il y en a 120 qui proviennent d’Acala et qui ne paient pas de tribut car ils viennent de s’installer et ont des parents encore païens à proximité ; on les ménage afin qu’ils ne prennent pas la fuite comme l’ont fait d’autres, apeurés et désorientés. Cobán se situe dans une vallée, bordée par une rivière que l’on franchit sur trois ponts de bois, lesquels sont souvent emportés par le courant, aux crues impétueuses. Le monastère et le couvent de Monseigneur Saint Dominique, capables d’accueillir douze religieux, sont situés dans la ville et contruits en pierre grossièrement taillée, ainsi que leur église. Ces bâtiments ont été édifiés grâce aux aumônes reçues par les religieux et à quelques dons des villages voisins, mais le mérite en revient surtout au travail des habitants qui avec zèle et bonne volonté ont aidé à les bâtir. La façade de l’église n’est pas achevée et la sacristie n’est pas très fournie car les indiens du lieu sont très pauvres et ont peu donné. Tout ce qu’il y a dans le couvent a été acquis du fait des religieux. La subsistance des religieux est assurée essentiellement par les 300 pesos et le maïs que Sa Magesté leur attribue chaque année, plus quelques pauvres petites aumônes que leur font les indiens. Mais il est certain que ce n’est pas suffisant malgré l’aide qu’apporte par ailleurs Monseigneur l’Evêque. Avec tout cela on manque du nécessaire et c’est pourquoi nous avons demandé une aumône et de l’aide à Sa Magesté. Nous supplions de nouveau qu’il nous l’accorde. Il y a en ce moment dix religieux dans le couvent, en charge de quatre paroisses, et il faudrait en créer d’autres car cette province est très étendue."
(Rapport sur la province et la terre de la Vera Paz et sur ce qu’elle contient, tel les montagnes, les sources, les animaux, les oiseaux, les plantes et les arbres, sur le nombre des villages et leur situation, sur les églises, leur fondation et leur dotation, et enfin sur le nombre des gens, leurs langues, leur éducation et leur conversion, depuis l’an de 1544 jusqu’à celui de 1574, rédigé à Cobán par les dominicains Francisco de Viana, Lucas Gallego et Guillermo Cardenas.)
Le couvent de Cobán
"Je voyageais vers Cobán en passant par plusieurs villages forts de trois cents ou quatre cents habitants tributaires sans compter de nombreux autres qui ne le sont pas. A mon arrivée à la ville de Cobán, qui a plus de quatre cents tributaires, je me réjouis de voir un si bon lieu pour les indiens, un grandiose monastère et une somptueuse église capable d’accueillir deux mille personnes pour y entendre la messe, dont je ferai l’histoire de la fondation dans un autre chapitre.
"Nous donnâmes mille mercis au Seigneur en voyant la constance et la dévotion avec lesquelles les indigènes participent au culte divin, et comment les religieux de Saint Dominique, dont c’est le couvent, les ont bien convertis, comment au prix de soins et d’attention considérables ils continuent à les enseigner et à les catéchiser tous les jours, faisant office de prêtres des âmes, mandatés qu’ils sont par un décret particulier de Sa Majesté, comme nous le verrons plus loin, et l’accord et l’ordre de leur Général. Ces indiens se sont confirmés totalement fermes dans leur foi et si résolus qu’ils ne se sont jamais rebellés depuis que la prédication du Saint Evangile les a atteints ; à une seule exception, un petit groupe vivant dans la ville baptisée San Marcos qui a pu martyriser deux religieux de Saint Dominique à cet endroit, proche de la terre des Lacandons, qui sans nul doute les y aidèrent, comme nous verrons plus avant. Tous les autres de cette provinces sont de très bons chrétiens, très attentifs à obéir au Gouverneur et aux religieux qui les encadrent."
Don Martin Alonso Tovilla, Relación Histórica Descriptiva de las Provincias de la Verapaz y de la del Manché, 1635
Les missionnaires nord-américains du XXIème siècle à Cobán : juin 2024, dédicace du nouveau temple de l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. Les missionnaires mormons apprennent l'Espagnol et le Q'eqchi.
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L'église de San Mateo à Salamá. On pense que la ville de Salamá, chef-lieu du département de Baja Verapaz, a été fondée entre 1540 et 1565, dans la vallée qu'elle occupe actuellement. L'évangélisateur des Verapaz, Fray Pedro de Angulo, décédé en 1562, est enterré dans l'église de Salamá.
Le couvent dominicain de Santa Cruz del Quiché. Santa Cruz del Quiché a été fondée en 1539, avec la population transplantée d'Utatlán. La même année, l'évêque Francisco Marroquín se rendit dans la ville et lui donna le nom qu'elle porte encore.
Santa María de Nebaj. Héritage culturel de l'époque coloniale, les villages organisés par les dominicains se caractérisent par la majestuosité de leur église et de leur grande place qui mettent leur centre en valeur.
San Agustín, à Lanquín. L'église a été construite à partir de 1574. Cet édifice perdit une partie considérable de sa structure, à cause d'un tremblement de terre qui secoua le pays vers 1810. Il fut réaménagé sans la partie détruite.
L'église de Chajul, fondée au XVIème siècle. Elle possède une statue du Christ au Golgotha, découverte dans une grotte voisine et gardée, dit la légende, par deux hommes de pierre. Chajul célèbre cette statue, chaque année, par une procession.
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